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XADA POLITICUS
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7 mars 2011

La guerre antisubversive

 

 

 La_guerre_Moderne                                       

Entretien avec Marie-Monique Robin, auteure d'un livre et d'un film documentaire intitulés Escadrons de la mort, l'école française*. Fruit d'une enquête de deux ans, menée en Amérique latine et en Europe, son travailrévèle les dessous des guerres d'Algérie et d'Indochine et l'exportation des méthodes des militaires dans lesdictatures d'Amérique latine jusqu'en Afrique.

 

 

Pour en revenir aux méthodes, il y a le renseignement, la torture, mais il y en a d'autres, le quadrillage des quartiers, de chaque maison, le contrôle de la population, etc.

 

Si la population est suspecte, il faut la contrôler. C'est le colonel Trinquier qui s'en occupe. Il va devenir le grand théoricien, en écrivant "La Guerre moderne", qui va être traduit dans toutes les langues et, en quelques sortes, devenir la bible, le manuel de la guerre antisubversive. Trinquier, lui, a une idée : il quadrille l'ensemble du territoire avec des unités qui agissent partout, sur plan. D'ailleurs, l'historien Pierre Vidal-Naquet dira que c'est « une guerre des capitaines ». Effectivement, ils commencent tous à « interroger », à faire disparaître des gens, à abattre les prétendus fuyards, etc. Dès le début, se met en place toute une série de pratiques totalement contraires aux lois de la guerre. Ajoutons qu'ils abattent les prisonniers, qu'ils déplacent les populations. À Alger, ils vont quadriller la casbah tout entière, cela représente plus de 80 000 personnes. Chaque maison est numérotée ; à l'intérieur de chacune, la population est recensée avec des fiches qui seront distribuées dans les différentes unités de contrôle des quartiers. Tout cela se passe la nuit car alors les gens sont censés être chez eux.

 

Est-ce le moment où apparaît la notion d'action psychologique ?

 

Non, elle est apparue en Indochine. Les militaires se sont aperçus que le Vietminh devait son pouvoir au contrôle et aux manipulations qu'il exerçait sur les populations. Ils ont vite compris l'enjeu de cette nouvelle forme de guerre. Ils ont développé des campagnes d'action psychologique, avec des tracts, mais surtout des services de santé, d'alphabétisation. L'idée était de conquérir l'âme des populations. Mais il est vrai qu'en Algérie, le service d'action psychologique aux mains de Lacheroy, nommé par le ministre des Armées, prendra d'emblée une ampleur considérable. Ils continuent, au début de cette guerre, à dire que les méthodes ne sont plus adaptées... Et ils obtiennent gain de cause. Le 7 janvier 1957, le gouvernement, qui a déjà voté les pouvoirs spéciaux, les confie aux militaires, notamment à Massu, chef des parachutistes. C'est important, car cela permet aux militaires d'être investis de tous les pouvoirs, y compris des pouvoirs de police. Ils ont carte blanche. C'est donc cette bataille d'Alger, de janvier 1957 à septembre 1957, qui va constituer le modèle de la guerre antisubversive.

 

 

Il y avait également la pratique du retournement de prisonnier…

 

Oui, des militaires comme le capitaine Léger faisaient la tournée des centres de torture en essayant de récupérer ceux qu'il pensait pouvoir retourner. Il devait par la suite diffuser de fausses informations, faire savoir qu'ils avaient changé de camp et, finalement, faire en sorte que les Algériens se massacrent entre eux. Léger dira dans un des ses livres que « ce n'est certes pas très moral, mais [que] si l'ennemi a cette capacité de s'automassacrer, pourquoi s'en priver ». Cette technique du retournement de prisonnier sera exportée en Argentine et au Chili. On me dit souvent : « Il ne faut pas exagérer, ce ne sont pas les français qui ont inventé la torture ». Certes… La grande différence, c'est que la torture, l'interrogatoire, dans les documents officiels, sont érigés comme une arme principale et systématique. Trinquier est le seul à avoir théorisé cela, à tel point qu'aujourd'hui encore, pour la guerre en Irak, ils ont ressorti Trinquier. Que dit-il ? C'est très simple…

 

« Le terroriste dans la guerre moderne, par son mode opératoire, parce qu'il ne porte pas d'uniforme, parce qu'il pose des bombes dans les lieux publics, ne respecte pas les lois de la guerre. Il n'y a donc aucune raison de les appliquer. De plus, si j'ai entre les mains une personne qui peut avoir une information sur un attentat qui va avoir lieu, j'ai le droit de le torturer et d'éviter ainsi la mort d'innocents. » Voilà. C'est encore une bible pour les militaires en Irak, à Guantanamo…

 

Les chefs de l'OAS vont donc jouer un rôle de conseillers auprès de la dictature argentine, mais il yaura aussi des assesseurs militaires français…

 

Pour bien comprendre, disons que l'École française en Amérique du Sud commence à l'École de guerre de paris. C'est entre 1954 et 1962, quand la théorie de la guerre antisubversive est à son apogée, que le nombre d'officiers étrangers est le plus important. C'est ainsi que le général Rosas, un Argentin, va y passer deux ans, à partir de 1955, et convaincre l'école de prendre davantage d'Argentins en formation, et même de créer une mission militaire française permanente en Argentine. Son unique but sera d'enseigner les techniques de la guerre antisubversive. Cette mission s'installe en 1959 à Buenos Aires, au siège de l'état-major. Elle y restera jusqu'en 1981. Voilà donc le premier pays où la France va exporter ses nouvelles techniques. Au même moment, Kennedy, avant d'être élu, fait un voyage d'étude en Algérie, en pleine guerre. Il a entendu parler de la théorie et, obsédé par le communisme, s'y intéresse. Après son élection, il demande à son secrétaire d'État, McNamara, de contacter Pierre Messmer, ministre des Armées, pour accueillir aux États-Unis des experts de la guerre antisubversive. C'est ainsi que le général Aussaresses part à Fort Bragg, le siège des forces spéciales américaines. À l'époque, les Américains étaient dans une conception classique de la guerre, ils se préparaient à un affrontement avec les Soviétiques. Ce sont les Français qui introduisent ces nouvelles manières.

 

 

Source : les renseignements généreux

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