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XADA POLITICUS
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31 mars 2012

Quand les bandits prennent le pouvoir III

 Très bel article de notre talentueux Kouamouo qui pourrait se présenter, sans prétention aucune, comme un spécialiste de la crise ivoirienne, contrairement à tous ces menteurs qui squattent les plateaux télés des médias du terrorisme occidental : Il l’a vécu en direct, et l’a subi.Quand les bandits prennent le pouvoir, ce sont les honnêtes gens qui trinquent ! Dans la plupart des pays africains, l’arrivée au pouvoir d’hommes politiques en treillis – àpart les rares exceptions du Ghana de Rawlins, du véritable Burkina-Faso de Sankara – s’est soldée par un désastre. Les putschistes maliens ne sont que des opportunistes, qui ont saisi une occasion de s’emparer du pouvoir rien que pour piller les caisses, chroniquement vides, de l’état malien. Le Mali paie cash le mal qu’il a fait à la Côte d’ivoire, car de nombreux soldats et officiers maliens ont été aux côtés des rebelles sanguinaires du mossi Alassane Dramane Ouattara, dans le saccage et le pillage de la nation ivoirienne. Ils ne font que reproduire, chez eux, ce qu’ils ont fait et ce que leurs compatriotes Frci continuent de faire en Côte d’Ivoire… Maudit soit qui mal agit !

La délinquance en treillis, épidémie ouest-africaine

Le coup d'Etat au Mali illustre la montée en puissance du "pouvoir kaki" en Afrique de l'Ouest.

La vitrine est en mille morceaux. Dix ans après sa première élection présidentielle pluraliste, qui a permis l’arrivée au pouvoir d’Alpha Oumar Konaré, le Mali retourne à la case départ. C’est-à-dire à la case coup d’Etat. Et ce pénible recommencement décontenance une opinion publique continentale qui avait érigé ce pays sahélien finalement fort peu couvert par les médias internationaux en «modèle» démocratique.

Et si une des premières leçons du putsch militaire qui a renversé le président Amadou Toumani Touré est qu’il faut plus que jamais se méfier, dans nos analyses, des «vitrines», des «modèles» et des «laboratoires» ? Nous devons bien nous convaincre de ce qu’une alternance ne fait pas la démocratie.

Putsch surfant sur un soulèvement populaire

Un regard plus exigeant sur l’expérience politique de ces deux dernières décennies au Mali pourrait en effet appeler à plus de circonspection. Ce qui s’est passé se résume finalement assez rapidement: auteur d’un putsch surfant sur un soulèvement populaire, Amadou Toumani Touré a laissé le pouvoir à Alpha Oumar Konaré qui s’est débrouillé pour le lui rendre à travers de redoutables manœuvres.

Si un des signes de la démocratie est l’existence d’une majorité contredite par une opposition parlementaire forte, l’on ne peut pas vraiment dire que le Mali d’Amadou Toumani Touré se caractérisait par un tel équilibre.

Président sans parti, «ami de tous et ennemi de personne», arbitre des élégances au sein d’une grande tontine politique à laquelle tous participaient et à travers laquelle tous se tenaient, ATT, le militaire à la retraite, n’a pas non plus bénéficié du soutien d’une armée qu’il aura contribué à convertir durablement aux vertus républicaines. Il quitte le pouvoir alors que l’intégrité territoriale de son pays n’a jamais été aussi menacée. Il laisse une troupe déboussolée et des officiers discrédités par de persistantes accusations de corruption. Là est peut-être son plus grand échec historique, au regard de son parcours d’officier et d’homme d’Etat.

Cet harmattan kaki qui souffle sur le Mali

L’on peut analyser les derniers développements maliens à travers plusieurs grilles de lecture. Impossible, par exemple, de ne pas noter que le récent coup d’Etat est un effet collatéral des rébellions du Nord, qui sont elles-mêmes la conséquence de la déstabilisation de la Libye par une coalition occidentale qui n’éprouve étrangement ni remords ni sentiment de responsabilité.

Difficile de ne pas noter que cet harmattan kaki qui souffle sur le Mali après être passé par ses voisins ivoirien, guinéen, nigérien et mauritanien interroge la culture politique des pays francophones de l’Afrique de l’Ouest. Nous devons nous poser une question: pourquoi n’y a-t-il donc ni de coup d’Etat, ni de rébellions dans les pays d’Afrique australe, à l’exception de Madagascar, qui est une nation francophone?

 Ce n’est pas, bien entendu, parce que ce sont des pays sans histoires. Le Zimbabwe est là pour en témoigner. Il semble qu’il y a pour nous quelque chose à regarder, à apprendre, à comprendre, en tournant nos regards vers le sud.

Ces derniers jours, Bamako a été le théâtre de pillages urbains, fruit de ce que nous pouvons appeler une préoccupante délinquance en treillis. Au nom de quoi des militaires en colère peuvent-ils revendiquer, s’exprimer, prendre le pouvoir, en s’attaquant aux biens privés de leurs compatriotes?

Ces pillages observés au Mali

Mystère. Ces pillages observés au Mali font en tout cas suite à ceux auxquels on a assisté en avril dernier à Ouagadougou, à l’occasion d’une mutinerie qui n’est pas allée jusqu’à prendre le pouvoir, et à Abidjan (capitale économique de la Côte d’Ivoire), à la faveur de la conquête de la capitale économique ivoirienne par des forces pro-Ouattara appuyées par l’armée française et les Casques bleus de l’ONU. La délinquance ordinaire en treillis est bel et bien, aujourd’hui, une épidémie ouest-africaine. Nos pays ressemblent de plus en plus à des cours de récréation où ce sont les mêmes garnements qui jouent à la fois au gendarme et au voleur. Le phénomène est très préoccupant. Comment en sommes-nous arrivés là?

Pour renverser Laurent Gbagbo, l’opposition ivoirienne, certains pays de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et la France ont cautionné un incroyable renversement des valeurs. De 2002 à 2011, la marque de fabrique des hommes de la nébuleuse qui a fini par porter Alassane Ouattara au pouvoir a été d’ouvrir les prisons et de se servir des personnes convaincues de vol à main armée voire de crimes de sang comme troupe improvisée et sans scrupules.

Nous continuons à payer le prix de l’ouverture de la MACA (Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan) et du recrutement de prisonniers de droit commun au sein des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI).

Les rebelles ont organisé de sordides trafics

Il y a quelques années, les rebelles des Forces nouvelles ont pillé intégralement plusieurs agences de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) sans que le gouverneur Charles Konan Banny ou que le président en exercice de l’Union économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (UEMOA) n’engagent des poursuites sérieuses.

Ils ont organisé de sordides trafics – carburant, marchandises de consommation courante, cacao, diamants, bois, véhicules volés…– en transitant par les pays voisins. Que pensent donc les sommités inconséquentes qui dirigent les pays d’Afrique de l’Ouest?

Que leurs soldats ne voyaient pas et n’enviaient pas les «modèles de réussite» que sont nos «comzones», qui paradaient dans les rues de leurs capitales au volant de leurs grosses cylindrées rutilantes et jouissaient de l’honneur de se faire recevoir par leurs chefs d’Etat? Que croyions-nous donc? Que la glorification du racket et de la prédation kaki ne laisserait pas des traces durables dans l’imaginaire des «corps habillés» des contrées environnantes ?

L’on nous apprend que demain, la CEDEAO (Communauté économique et de développement des Etats d’Afrique de l’ouest) se réunira à Abidjan pour évoquer le cas malien. Alors que son entourage militaire s’organise autour de personnes comme Chérif Ousmane et Issiaka Ouattara dit «Wattao», dont les CV contiennent à la fois les mentions «putschiste» et «rebelle», et que son numéro deux s’appelle Guillaume Soro, quelle peut bien être la crédibilité d’un Alassane Dramane Ouattara s’adressant à Amadou Hawa Sanogo, chef de la junte qui règne à Bamako, ou aux figures de proue du MNLA (Mouvement national pour la libération de l’Azawad) qui occupent les villes du nord de leur pays? L’Afrique de l’Ouest connaît une crise politique et sécuritaire préoccupante. Mais elle est également fragilisée par une crise inédite du sens et des valeurs. Et la brise rafraîchissante qui nous vient de Dakar ne peut chasser les lourds nuages qui s’amoncellent au-dessus de nos têtes.

Théophile Kouamouo

Source : slateafrique.com

 

 

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