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XADA POLITICUS
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13 août 2012

SIMON OBANDA : CESAIRE OU UNE NEGRITUDE OUVERTE

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Le massacre de milliers d’ivoiriens, de milliers de Libyen, et en ce moment de milliers de Syrien remet à l’ordre du jour les pensées du regretté Aimé Césaire sur le terrorisme Européen. L’agression sauvage de la Libye présentée comme une intervention humanitaire, le soutient massif actuel aux groupes terroristes qui saccagent actuellement la Syrie -présenté comme un soutient au peuple syrien- révèle le caractère criminel, hypocrite et mensonger de la politique néocolonialiste occidentale dans le monde. Simon Obanda ne s’y trompe pas, et nous livre une analyse pointue de la pensée du maitre de la négritude, sur la nature hypocrite, violente, sauvage et barbare de l’homme blanc de souche européenne. Alors que la colonisation allemande de l’Europe, de 1939 à 1945, continue de faire gémir les européen jusqu’à aujourd’hui, le continent africain subit, lui, depuis plus de quatre siècles, toutes sortes d’agressions militaires sauvages, de massacres et de pillages présentés comme des missions civilisatrices hier, et comme des actions humanitaires aujourd’hui par leurs auteurs européens. Contrairement au penseur martiniquais, nous pensons qu’il faut opposer une lutte active à la barbarie occidentale qui s’accentue au fil des siècles. Il faut moralement pendre, haut et court, ce colonialiste congénitale qui aurait fait rougir Hitler en personne, et à qui François Hollande -le nouveau domestique de la finance française- a rendu hommage juste après son élection à la présidence française. Il serait temps que l’africain sorte de sa naïveté et de sa couardise, s’il ne veut devenir une race en voie d’extinction. Car la fin proche des principales ressources de la planète fait de la dépopulation du tiers-monde en général, et de l’Afrique en particulier, un impératif majeur pour les terroristes occidentaux.

 

CESAIRE ET LE PROCES DE L’EUROPE COLONIALISTE

C’est dans son livre Discours sur le colonialisme qu’Aimé Césaire soumet l’Europe à un jugement implacable. C’est à raison qu’il le fait. De toutes ses actions coloniales, Césaire pense que « l’Europe est indéfendable ». La gravité des faits coloniaux fait que l’on ne peut pas transiger avec cette Europe-là. On peut comprendre le ton dur de ce propos quand il affirme que « le plus grave est que l’Europe est moralement et spirituellement indéfendable ». Que faut-il entendre par là ? Pour peu que l’on considère le poids des mots et des maux. Moralement, l’Europe a fait croire que la colonisation était une bonne chose. Aucun peuple de l’Europe n’accepterait d’être colonisé par un autre peuple, fût-il européen. L’impératif catégorique kantien et les droits de l’homme l’en empêcheraient. Car, tu traiteras l’humanité qui est en toi comme celle d’autrui non comme un moyen mais toujours comme une fin. Ce principe fondamental de l’éthique servirait à décourager tout acte contraire à la dignité humaine, surtout si le premier article était brandi en même temps, à savoir : tous les hommes naissent égaux en droit. Tout ceci fait que l’Europe a sur sa conscience ce crime contre l’humanité. De cette façon, elle ne pourra plus recommencer. Cette prise de conscience du mal fait à autrui, sous le prétexte de lui apporter le bonheur, doit symboliser un hymne à la non-violence : plus jamais ça. C’est pourquoi, l’Europe est moralement et spirituellement responsable de cette bêtise humaine. C’est-à-dire tant au plan moral qu’au plan spirituel, elle a commis une faute irréparable. L’Europe se trouve donc inculpée. Il est intéressant de décliner les chefs d’accusation que Césaire dresse contre les Européens. Devant ce tribunal de l’histoire, un seul accusé l’Europe. Un seul motif d’accusation c’est la colonisation. Qu’est ce que la colonisation ? A cette question, Césaire répond que la colonisation n’est rien d’autre qu’une façon d’exploiter, de déconsidérer et d’affaiblir les autres qui ne sont pas soi.

« De convenir de ce qu’elle n’est point ; ni évangélisation, ni entreprise philanthropique, ni de reculer les frontières de l’ignorance, de la maladie, de la tyrannie, ni l’élargissement de Dieu, ni extension du Droit, d’admettre une fois pour toutes, sans volonté de brancher aux conséquences, que le geste décisif est ici de l’aventurier et du pirate, de l’épicier en grand et de l’armateur, du chercheur d’or et du marchand, de l’appétit et de la force, avec derrière, l’ombre portée maléfique, d’une forme de civilisation qui, à un moment de son histoire, se constate obligée de façon interne, d’étendre à l’échelle mondiale la concurrence de ses économies antagonistes ».

En définissant la colonisation par ce qu’elle n’est pas, Césaire inculpe l’Europe de façon définitive et nette. La colonisation européenne n’est rien d’autre qu’une barbarie suprême comparable au nazisme : « C’est une barbarie, mais la barbarie suprême, celle qui couronne, celle qui résume la quotidienneté des barbares ; que c’est du nazisme, mais qu’avant d’être victime, on en a été le complice que ce nazisme là où l’on a absous, on a fermé l’œil dessus, on l’a légitimé, parce que, jusque là, il ne s’était appliqué qu’aux peuples non - européens ». Et le pire dans cette barbarie suprême que Césaire identifie au nazisme hitlérien, c’est que quand l’Europe tuait, pillait, spoliait les richesses naturelles, humiliait des peuples entiers non - européens. L’Europe a justifié le colonialisme comme étant une action de son humanisme. Ce qui est un mensonge grossier. Mais quand Hitler a fait la même chose en son propre sein ; tout de suite elle a crié au scandale. Et, elle a considéré Hitler comme le diable en personne. Le procès du nazisme était sans appel et a dépassé le procès de Nuremberg qui a condamné les acteurs du nazisme. Sur le slogan « plus jamais ça », l’Europe a fermé cet instant malheureux de son histoire. Si le nazisme s’est effectué sur la pureté de la race aryenne, la colonisation, mieux l’entreprise coloniale s’est construite autour d’un mensonge exécrable qui consistait à faire croire aux peuples non européens que leurs actions étaient civilisatrices et non économiques, religieuses (évangélisatrices) et non prosélytiques (se faire un nombre important d’ouailles, de convertis et de baptisés), de faire valoir les cultures locales et non d’imposer la leur. Cette attitude immorale amène le poète martiniquais à dire que :

« La malédiction la plus commune en cette matière est d’être la dupe de bonne foi d’une hypocrisie collective, habile à mal pour les problèmes pour mieux légitimer les odieuses solutions qu’on leur apporte. L’Europe, à travers ses hoplites, a pris le reste du monde pour des idiots, des sauvages, des gens qui n’avaient aucun éclairage de la raison pour se rendre compte de ce qu’elle les mentait. »

LA COLONISATION OU LE MENSONGE DU MAITRE

Césaire voit dans toutes les actions des Européens travaillant en Afrique que division et mensonge. C’est le cas de l’œuvre du R.P Tempels missionnaire belge, qui a écrit en 1945 un livre intitulé La philosophie bantoue. Un livre dont le but apparent était de redorer l’identité noire dévalorisée par l’Occident.

Il serait vraiment inouï, écrit le R.P. Tempels, que l’éducateur blanc s’obstine à tuer dans l’homme noir son esprit humain propre, cette seule réalité qui nous empêche de le considérer comme un être inférieur ! Ce serait un crime de libre-humanité, de la part du colonisateur, d’émanciper les races primitives de ce qui est valeureux, de ce qui constitue un noyau de vérité dans leur pensée traditionnelle, etc.

Ce propos du missionnaire exprime une générosité assez exceptionnelle pour cette époque ! A la vérité que constate-t-on dès qu’on ouvre le livre du Père Tempels. Il écrit ce qui suit :

Apprenez que la pensée bantoue est essentiellement ontologique ; que l’ontologie bantoue est fondée sur des notions véritablement essentielles de force vitale et de hiérarchie de forces vitales ; que pour le Bantou enfin l’ordre ontologique qui définit le monde vient de Dieu, et décret divin, doit être respecté...

Cette mentalité des Bantous que décrit Tempels est une porte d’entrée qu’il ouvre à d’autres Européens comme lui qui voudraient tenter l’aventure de l’Afrique colonisée. La philosophie bantoue est un vade me cum qu’il prescrit aux autres colons, afin que ces derniers puissent parvenir à comprendre la culture bantoue. Cette indication permet donc « aux grandes compagnies, aux colons, gouvernements, sauf le Bantou naturellement » de trouver leur compte. Tout le monde est gagnant sauf le concerné, le Bantou qui est exploité et humilié. Césaire s’insurge contre toutes ces flatteries et demande que l’on traite le Bantou autrement. C’est pour cette raison, étant entendu que là aussi, les Bantous se sont tellement fait avoir par ce discours du prêtre belge, que nous pouvons dire que Tempels ne décrit pas la réalité. C’est un divertissement que de penser que les Noirs ne sont pas des êtres sociaux avec des besoins réels. Au lieu de s’intéresser à des problèmes concrets qui se posaient aux individus, Tempels nous a distraits en amenant sur le terrain de la manipulation mentale qui nous éloigne des réalités africaines. Raison pour laquelle Césaire dit son malaise à travers les propos suivants :

La pensée des Bantous étant ontologique, les Bantous ne demandent de satisfaction que d’ordre ontologique. Salaires décents ! Logements confortables ! Nourriture ! Ces Bantous sont des purs esprits, vous dis-je : « qu’ils désirent avant tout et par -dessus tout ce n’est pas l’amélioration de leur situation économique ou matérielle, mais bien la reconnaissance par le Blanc et son respect, pour leur dignité d’homme, pour leur pleine valeur humaine.

Cette escroquerie ne pouvait pas durer aux yeux du poète martiniquais. Ce que désirent les Bantous d’abord et avant tout ce sont les meilleures conditions de vie. La dignité et la reconnaissance sont nécessaires pour l’homme quand il a tout ce qu’il faut pour vivre avec décence. En ce moment là la dignité et la reconnaissance qui découlent d’une vie équilibrée, viendront s’y ajouter comme « une cerise sur le gâteau ». Devant un homme démuni, pauvre et affamé, celui qui a son pain et sa nourriture a plus de dignité. C’est pourquoi, Tempels placera dans la hiérarchie des forces vitales, l’homme Blanc en premier et le noir en second : « Les Bantous nous ont considérés, nous les blancs et ce, dès le premier contact, de leur point de vue possible, celui de leur philosophie bantoue » et « nous ont intégrés, dans leur hiérarchie des êtres forces, à un échelon fort élevé ». Les Noirs se sont fait avoir sur toute la période allant de l’esclavage jusqu’à la mondialisation en passant par la colonisation. En somme, sur la philosophie bantoue de Tempels, Césaire aura des mots très durs et on comprendra sa colère. « Du R.P Tempels, missionnaire et belge, sa philosophie bantoue vaseuse et méphitique à son haut, mais découverte de manière très opportune, comme par d’autres, l’hindouisme, pour faire pièce au « matérialisme communiste, qui menace, paraît-il, de faire des Nègres des Gabonais moraux ». Tel sera le destin des Nègres, si l’on y prend garde. C’est un appel à une renaissance de l’identité qui nous est livré ici, il faut l’avouer.

LA NEGRITUDE DE CESAIRE : IDENTITE, HISTOIRE ET HUMANISME Nous nous référions à deux textes ; précisément deux discours que l’on peut considérer comme un testament de Césaire. La question de l’identité est une question légitime surtout pour les Noirs qui ont pendant des siècles subi l’humiliation la plus inimaginable. Même pour des citoyens martiniquais (français) comme lui car, « il s’agit de savoir si nous croyons à ce que l’on appelle les droits de l’homme. A liberté, égalité et fraternité, j’ajoute toujours identité. Car oui, nous y avons droit ». Faisant partie d’une France qui est censée incarner la civilisation, ne pas affirmer son identité noire, c’est céder à la thèse de l’assimilation et à celle de l’inculturation comme si les Noirs des iles ne posséderaient aucune culture. La même chose peut être dite au sujet de l’Afrique. Dans un monde où l’Europe se présente comme la référence, les Africains ont le droit d’affirmer leur identité et d’en être fiers. Pire encore face à l’idéologie réductionniste et négationniste de l’Occident, il faut plus, que jamais, affirmer son identité. Et le faire n’est ni un enfermement, ni un repli sur soir, mais simplement l’expression de son humanisme différent et en même temps partagé. Cette identité est donc en harmonie avec le passé, le présent et l’avenir, c’est-à-dire une identité pour l’avenir. Pour cela, Césaire écrit :

Je pense une identité non archaïsante dévoreuse de soi-même, mais dévorante du monde, c’est-à-dire faisant main basse sur tout le présent pour mieux réévaluer le passé et, plus encore, pour préparer le futur.

Il va de soi que certains pensent que cette hantise identitaire » est une régression pour notre démarche qu’elle nous annihilerait et nous paralyserait. A ceux là, nous répondons que la question de l’identité est pour nous une préoccupation noble et légitime. En effet, nous dit Césaire, « il faut que nous apprenions que chaque peuple a une civilisation, une culture, une histoire ». Cette « hantise identitaire », comme le dit Césaire, est liée à l’histoire tourmentée de la civilisation noire. Une histoire marquée par des siècles d’esclavage, où le Noir est considéré comme une catégorie inférieure à l’homme blanc, et du colonialisme dont l’objet était d’appauvrir les noirs sur tous les plans, en créant ainsi un véritable désordre de la structure mentale de ce dernier. C’est la raison pour laquelle les Noirs ont dépassé l’étape de la vengeance et des règlements de compte.

« L’essentiel est que l’Afrique a tourné la page du colonialisme et en la tournant, elle a contribué à inaugurer une ère nouvelle pour l’humanité toute entière ».

C’est pourquoi, il prescrira à la négritude un respect des droits de l’homme. Parce que désormais, il faut lutter contre la barbarie.

Il faut lutter contre un droit qui instaure la sauvagerie, la guerre, l’oppression du plus faible par le plus fort. Ce qui est fondamental, c’est l’humanisme, l’homme, le respect dû à l’homme, le respect de la dignité humaine, le droit au développement de l’homme.

Les droits de l’homme en ce qu’elles garantissent la dignité humaine peuvent en même temps garantir le droit au développement plénier de l’homme et de tout homme. Il n’y a, sur ce point, pas d’amalgame à faire entre l’Europe inculpée et le respect des droits de l’homme. Parce que « la France n’a pas colonisé au nom des droits de l’homme ». Peu importe comment ces principes ont été consignés dans la Déclaration, le plus important c’est qu’ils défendent tout homme et tout l’homme. En somme, ce procès que Césaire a intenté contre l’Europe se situe dans la démarche des intellectuels noirs de la diaspora de lutter pour la revalorisation et le respect de l’identité noire niée et laminée. Contre l’Europe, le poète martiniquais aura des mots durs, notamment sur son action colonisatrice. Il écrit :

Le fait est que la civilisation dite européenne, la civilisation occidentale telle que l’ont façonnée des siècles de régime bourgeois, est incapable de résoudre deux problèmes majeurs auxquels son existence a donné naissance : le problème du prolétariat et le problème colonial ; que déférée à la barre de la conscience, cette Europe-là est impuissante à se justifier et que de plus en plus, elle se refugie dans une hypocrisie d’autant plus odieuse qu’elle à de moins en moins de chance de tromper.

Stigmatisant cette hypocrisie de l’Europe, Césaire dira plus loin que cette civilisation occidentale est simplement moribonde, décadente et incapable.

Une civilisation qui s’avère incapable de résoudre les problèmes que suscite son fonctionnement est une civilisation décadente. Une civilisation qui choisit de fermer les yeux à ses problèmes les plus cruciaux est une civilisation atteinte. Une civilisation qui ruse avec les principes est une civilisation moribonde.

Ce procès de Césaire accompagnera l’histoire de la françaphilosophique de la civilisation européenne avec celle de la civilisation noire. Mais la véritable question qui guette tout le monde aujourd’hui, c’est la question du racisme. C’est pourquoi nous pensons que Césaire est resté constant dans sa négritude. Une négritude qui promeut des valeurs réalisables de l’humanisme ; et non des principes métaphysiques. Il ne faudrait pas remplacer le racisme des Blancs contre les Noirs (eurocentrisme) par le racisme des Noirs contre les Blancs (la Négritude). Pour garder ce cap, il s’est appuyé sur des garde-fous moraux. Car la tentation est forte de justifier une faute par une autre. En fin de compte, Césaire est resté digne jusqu’à la fin de sa vie. Malgré le procès qu’il fait à l’Europe et pour lequel elle est inculpée, le poète martiniquais ne sort pas de sa vision des choses. Il n’invite nullement les Noirs à la lutte violente. Au contraire, il les invite à une démarche responsable qui doit les amener à la rencontre de l’Occident. Il ne fait pas de la Négritude un mouvement de revendication idéologico-politique. En restant fidèle à sa ligne de départ, il a montré sa grandeur d’esprit face à la violence raciste subie de la part de l’Occident. Là où d’autres ont prôné la lutte politique, lui, Césaire a préconisé la connaissance de soi pour un respect réciproque.

Simon OBANDA

Source : www.grioo.com

 

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